La poésie d’Ángela Álvarez nous transporte certainement vers d’autres lieux, comme si nous voyagions sur le tapis magique d’Aladin. Elle nous emmène vers des lieux ancestraux, comme Ithaca ou les terres égyptiennes, avec ses sphinx ou sa glorieuse Alexandrie; vers la chaleureuse Andalousie, avec l’une de ses ses villes éternelles, Cordoue, symbole des trois cultures; vers des lieux exotiques, comme l’Afrique ou les villes perses. De plus, elle nous fait naviguer sur les eaux du Nil, et sur la mer Adriatique, en faisant une courte escale à l’Acropolis.
ÁngelaÁlvarez casse les barrières du temps et de l’espace. Elle dépasse non seulement les barrières géographiques dans ses poèmes, mais elle va aussi au-delà des barrières historiques et culturelles. À travers Caronte et le Minotaure, qui représentera un symbole fondamental dans ses poèmes et dont sa présence sera fréquente, elle nous rapproche à nouveau de la mythologie, souvent oubliée et réservée aux études classiques. Différents cultes et coutumes nous rappellent diverses formes à travers lesquelles l’expression des sentiments s’animent : des vestales jusqu’aux hindous, en passant par la Sagrada Familia ou la cérémonie du thé japonaise.
Sa poésie est saignante, sauvage et viscérale. Sa poésie est picturale, visuelle, descriptive. Ángela Álvarez fait un voyage vers le passé à la recherche de réponses, pour trouver son identité, pour se définir comme écrivaine, pour exprimer son âme de poète, et donc, elle reflète la recherche existentielle avide de réponses, en essayant de les trouver dans les souvenirs et les expériences du passé.
Elle nous présente un monde sauvage où la présence d’animaux est assidue et la nécessité des rituels est primordiale, un monde où les vers sont impétueux, un monde où sont acceptés la chasse, le sang, la rencontre charnelle, les crocs, l’inquiétude, les bêtes, la peur, ce qui est sauvage, et tout ce qui ne présente pas d’entraves.
Ce monde sauvage est à la fois magique et réel. L’amour et la peur se confrontent, les peurs intérieures se surmontent grâce à l’amour, qui crée aussi la douleur, et cela au moyen de sorts. La sensation de vide s’oppose à la recherche existentielle pour se retrouver; la perte de l’innocence fait remonter le passé pour trouver l’abri qu’une mère donne à son enfant; l’enfance est essentielle pour l’apprentissage et pour se forger comme un adulte. La vie est un cycle, un sort de la naissance et de la création qui se succèdent une fois de plus. Le temps apparait comme un passage continu, parfois ennuyeux. La tristesse, la mélancolie et les larmes se font présentes pour permettre l’espérance des nouvelles générations. Le rythme de cette poésie donne des ailes pour laisser l’esprit s’envoler et libérer l’âme emprisonnée.
La terre et la mer, symboles de la sagesse et de l’origine de la vie, sont deux constantes dans la poésie d’Ángela Álvarez. Le crépuscule et le bois représentent le moment et le lieu auxquels ses vers font référence pour créer des armées de mots. De plus, le tigre serait son animal et le rouge sang, sa couleur.
La présence de vers en italiques est caractéristique de l’auteur, et grâce à cela, elle introduit une seconde voix dans le poème qui s’imprègne d’une vie propre, comme un élément qui pense et qui ressent.
Les vers d’art majeur prédominent, en ayant recours à des vers d’art mineur –incluant des vers composés d’un seul mot – pour accentuer le rythme, le suspense, et pour souligner l’importance de chaque élément.
Les vers d’ÁngelaÁlvarez nous secouent de haut en bas et mettent le monde actuel à l’envers. Ses poèmes courts, même si la lecture n’est pas pour autant rapide, imprègnentle jugement et la compréhension, et ne les abandonnent jusqu’à ce qu’ils ne soient compris. La profondeur et la densité de sa poésie nous forcent à lire ses vers encore et encore, sans relâche jusqu’à ce qu’ils touchent la vie propre à travers d’images plastiques. La poésie d’ÁngelaÁlvarez est donc surtout, plastique, comme la peinture de Goya qui est mentionné dans son poème «Antártida» («l’Antarctique»). La lecture de ses poèmes apporte avec elle une succession constante d’images, troublée entre le monde réel et le monde de l’illusion.
ÁngelaÁlvarez mélange avec maîtrise le vocabulaire abstrait avec les concepts concrets, ce qui est matériel avec ce qui est éthéré, en créant un nouveau langage plein d’images visuelles qui se détache par son originalité. À travers la lecture posée et réfléchie de chaque vers, de chaque poème, surgissent des images du style des tableaux du néoplasticiste Piet Mondrian, qui prétendait «dépouiller l’art de tout élément accessoire ». Et ainsi, la poésie d’ÁngelaÁlvarez est un art pur exempt de décorations banales.
ÁngelaÁlvarez se situe également en avant-garde de la poésie, ses poèmes rappelant les poètes créationnistes de la taille de Gerardo Diego et Vicente Huidobro. Et comme eux, l’écrivaine s’élève comme créatrice laissant les charges sociales loin de son contenu et en considérant la poésie comme une fin en elle-même. Pour Vicente Huidobro, la poésie devait remplir trois conditions : créer, créer et créer. ÁngelaÁlvarez, elle aussi remplit ces conditions en créant une beauté pure, en créant un nouveau langage plastique et enfin, en créantune addiction à ses vers.
La poésie dans De conjuros y ofrendas (Des sorts et des offrandes) est, donc, sans le moindre doute, un être avec une vie propre en constante transformation, en son sens kafkaien, une transformation qui est la cause de l’évolution et du changement de ceux qu’elle atteint, soit subtilement, soit par la force.
Mª Carmen de Bernardo Martínez
Traduit par Marie Serillon